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La notion d'anarchie pendant la révolution française (1789-1801) : formation d'un concept.

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La notion d'anarchie pendant la révolution française (1789-1801) : formation d'un concept. Empty La notion d'anarchie pendant la révolution française (1789-1801) : formation d'un concept.

Message par Kímon Dim 21 Juil - 14:27

La notion d'anarchie pendant la révolution française (1789-1801) : formation d'un concept.

La notion d'anarchie pendant la Révolution française n'a jusqu'à présent pas fait l'objet d'une étude systématique, malgré l'existence de trois champs de la recherche historique susceptibles de s'y intéresser : celui de l'histoire du mouvement anarchiste, celui de l'histoire des idées, et celui, historiquement le plus récent, de l'analyse de discours. Et cela parce que chacun, à sa manière, a contribué à l'occultation de la notion d'anarchie par l'anarchisme.

C'est en utilisant les propositions conjointes de l'analyse de discours, de l'histoire des idées, et de l'histoire des mentalités que j'ai entrepris de suivre la constitution du concept d'anarchie dans le discours révolutionnaire. La notion d'anarchie peut être saisie au travers de quatre niveaux de discours, dont la combinaison constitue progressivement une cohérence promotrice du concept d'anarchie. Il s'agit successivement : d'un discours théorique intégré à la réflexion sur l'origine et le devenir de l'institution sociale ; d'un discours sur les institutions, développé lors des débats constitutionnels, de 1789 à 1795 ; de la polémique politique, qui donne naissance au néologisme « anarchiste(s) » ; du discours social sur l'anarchie, particulièrement à partir de l'an III.

La notion d'anarchie apparaît tout d'abord dans la réflexion sur l'évolution des « sociétés politiques ». Elle peut alors occuper deux positions différentes, selon qu'elle intervient dans un schéma cyclique ou linéaire. Le chaos anarchique représente dans le premier cas l'origine et le devenir de toute société, interprétée comme un effort pour s'arracher à l'anarchie naturelle. Linguet, en 1774, Mounier, en 1789, et Barruel, en 1791, défendent une telle position. Pour les tenants de la théorie du droit naturel, l'anarchie intervient au contraire comme perturbation de l'harmonie primitive de l'univers. L'anarchie occupe alors la position médiane d'un schéma linéaire, dont elle symbolise le moment de décadence sociale.

Très tôt, chez Mably notamment, cette réflexion conduit à un processus d'historicisation de la notion, par le biais surtout de l'identification de l'« anarchie féodale ». L'anarchie se fait alors forme de gouvernement, interprétée comme synonyme de l'« aristocratie ». Mais elle s'identifie aussi bien comme manifestation de la démocratie, que le même Mably qualifie également d'anarchique. C'est de la sorte qu'elle se stabilise en 1795 comme forme de gouvernement par assimilation avec le gouvernement révolutionnaire de l'an II.

Cette historicisation intronise à la fois l'anarchie dans le domaine de la réflexion institutionnelle et dans celui de la polémique politique. De 1789 à 1795, l'anarchie ne cesse d'intervenir dans les grands débats constitutionnels. Sous l'Assemblée constituante, elle est utilisée par les monarchiens, défenseurs de la prérogative royale, contre les partisans de la souveraineté de la nation. Elle condamne de même les aspirations républicaines, tant que l'image de la république ne peut être séparée de celle de la démocratie directe. Le dilemme politique est alors posé en ces termes : monarchie ou anarchie.

Puis, par un retournement difficile, elle sert au contraire à invalider la monarchie, à partir de 1791. Ce retournement s'effectue par la démonstration que l'anarchie peut être évitée dans une république par le recours au gouvernement représentatif. Ce point est initié par la question des relations entre l'« anarchie féodale » et la monarchie. La monarchie est généralement considérée comme régulatrice de cette anarchie. Mais cette action peut être jugée positivement ou non, selon que l'on considère l'« anarchie féodale » comme purement négative, ou au contraire porteuse d'une matrice de la représentation, au travers des champs de mars mérovingiens ou carolingiens.

Une fois la république proclamée, une fois affirmé le nouveau dilemme, république ou anarchie, la notion d'anarchie conserve ainsi toute sa vigueur pour vilipender toutes les oppositions, notamment en l'an III, lorsqu'il s'agit, pour les conventionnels « thermidoriens » de réaffirmer l'intangibilité de la représentation contre les expériences de démocratie directe de l'an II. Les condamnations en termes d'anarchie s'accompagnent rapidement de la dénonciation des fauteurs d'anarchie. De 1789 à 1792, ceux-ci apparaissent sous les traits des « amis de l'anarchie ». L'« anarchiste » proprement dit leur succède alors. C'est le discours girondin qui recourt le premier massivement à ce néologisme.

Brissot et ses amis ne se font pas faute de dénoncer ainsi les chefs jacobins et montagnards, et leur collusion avec la contre-révolution vendéenne et le gouvernement anglais, sous le thème de la « triple conspiration » avant que le Patriote Français ne donne au désignant ainsi formé toute sa valeur par l'abandon des références explicites, étape décisive de l'autonomie de l'anarchiste.

Les girondins ouvrent ainsi la voie aux thermidoriens qui mènent à son terme le processus de globalisation de leurs adversaires sous la dénomination commune d'« anarchistes ». Les « anarchistes » de l'an III sont aussi bien les jacobins et les sans-culottes que les royalistes. Amalgame qui introduit à une vision dichotomique de l'espace politique, constatée déjà chez les girondins, explicitée par des thermidoriens qui prétendent barrer la route à « toutes les tyrannies », qu'il s'agisse de la « tyrannie à diadème » ou de la « tyrannie à bonnet rouge », et qui se résout chez eux en une conception ternaire de ce même espace, conçu dès lors autour d'un centre menacé d'un côté par la royauté et de l'autre par l'anarchie, une anarchie désormais éponyme de l'an II. Conception qui trouve son expression dans la formule du serment civique, imposé en l'an V, de « haine à la royauté et haine à l'anarchie ».

Cette affirmation de la fonction de désignant sociopolitique de l'anarchie s'accompagne de tentatives de retournement, porteuses d'avenir. En juillet 1793 et en thermidor an VII, le discours jacobin tente d'annihiler l'accusation de promouvoir l'anarchie, dans le premier cas en retournant l'accusation contre les girondins, dans le second en essayant d'imposer une redéfinition de l'anarchie propre à en neutraliser l'usage. Cette deuxième tentative, parce qu'elle s'attaque à la substance même du concept, entrevoit pour la première fois la possibilité d'une appropriation positive de l'anarchie par l'association anarchiste-républicain. L'échec immédiat de ces deux tentatives de retournement n'en est pas moins patent, tant par le silence de l'an II (taire la dénomination sans en avoir pu changer le sens) que par la conservation de la configuration thermidorienne de l'anarchie dans la presse consulaire.

La valeur de la dénomination politique est fondée sur un arrière-plan conceptuel stable de l'anarchie, qui l'associe étroitement à toutes les formes de désordre social. L'expression la plus virulente de ce discours social sur l'anarchie en est le recours au vocabulaire de droit commun. Le crime renvoie tout d'abord au souvenir de l'an II, lorsque le meurtre se fait massacre, sous le signe des « échafauds de la terreur ». Mais il prend bientôt une résonance sociale plus marquée avec le thème du « pillage de toutes les propriétés ». Aussi la Convention thermidorienne se hâte-t-elle de réaffirmer le caractère sacré de la propriété contre les « anarchistes » partisans
de la « loi agraire ». De même défend-elle la liberté illimitée, du moins en matière économique. Car une telle liberté en matière politique ne serait au contraire qu'anarchie. A l'inverse, l'égalité politique la plus absolue est admise, ou du moins proclamée, alors que l'égalité économique, « l'égalisation des fortunes », est le dernier terme de l'anarchie.

Ce discours social sur l'anarchie dessine enfin, dans la logique de l'autonomie progressive acquise par le désignant sociopolitique, les premiers traits de l'anarchiste, dont certains lui seront conservés par la suite. L'anarchiste, en dehors de ses incarnations successives (patriote, jacobin, montagnard, sans-culotte), se révèle comme un marginal type : point de famille ; aucune attache sociale; pas de propriété ou de fortune personnelle qui puisse répondre de sa conduite publique : « parcourez la liste des énergumènes et des scélérats qui ont tout bouleversé dans ces derniers temps », s'écrie le représentant Bresson, à la Convention, en l'an III, « ils étaient presque tous jeunes et sans propriétés ». Son action est essentiellement celle d'un conspirateur, action souterraine et ténébreuse.

Ainsi la conceptualisation de l'anarchie au cours de la Révolution française se résout-elle en l'élaboration d'un anti-modèle de société, dont il conviendrait de suivre le devenir, en même temps que le processus qui conduit de cette conceptualisation à l'appropriation positive de l'anarchie entreprise à partir de 1840 par Proudhon.


Marc Deleplace
Maître de conférences en histoire contemporaine.
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